JeanneL
Water Dreams
Extractions abstraites & éphémères
C’est la pluie qui m’a montré le chemin.
Un jour de pluie sur la Charente.
Des gouttes, une à une, formaient inlassablement des ronds dans l’eau. L’eau était belle. D’un beau vert céladon.
Quand la pluie a cessé j’ai continué avec des petits cailloux. Pour voir à l’infini ces ronds hypnotiques se propager à fleur d’eau.
Ont alors surgit du chaos, des extractions furtives, des chefs d’œuvre d’éclaboussures, des créatures abstraites.
Toutes différentes, toutes avec leur histoire à raconter.
Pour les voler au temps, pour capter ces abstractions fugaces et si fragiles j’ai pris mon iPhone et pendant des heures sur mon écran, j’ai regardé étourdie, des images d’eau transformée le temps d’un fragment en champignon, vase, danseuse, poisson, sirène, hérisson, arbre, ours… Toutes ces formes déflagrées de cette eau déchirée par l’impact fracassant de mon projectile s’explosaient en éclaboussant leur propre reflet puis s’estompaient soudain dans un long silence en formant d’infinis ronds, mes ronds infinis à fleur d’eau. Mystérieux et apaisants.
Alors je suis partie à la cueillette de cailloux et de pierres, des petites des grandes des moyennes des rondes des plates des énormes des mal-foutues, des cabossées. J’en ai rempli des sacs accrochés à mon vélo, le Nikon en bandoulière, à la recherche d’étendues d’eau qui me donneraient un écrin idéal pour mes beautés éphémères.
J’en ai fait un rituel pendant plus de 5 ans.
Et à chaque fois que je lance mon petit caillou et que je capte une histoire inédite qui se raconte en rafale, je découvre un nouveau monde fantasque délirant drôle toujours inattendu, parfois raté, insignifiant, sans parole.
Alors je recommence à d’autres heures, d’autres lumières, espaces, altitudes, dans d’autres reflets, d’autres structures, rivières, lacs, fleuves.
Car lorsque sur l’écran de mon appareil photo, je vois cette eau figée en un éclat féérique aux reflets d’or où la lumière d’un soleil couchant s’y est lovée je jure qu’à ce moment précis je ne suis plus là.
Je voyage je m’échappe je m’envole loin je ris parfois, je souris et je reprends une pierre.
Je pourrais faire ça toute ma vie. Je pense.
Juste pour cet émerveillement.